Un questionnement multiple m’a été récemment proposé : Quel sens donné à la pratique ? L’enseignement de la philosophie de la métamorphose, de son application au quotidien, n’est-ce pas un enseignement du lâcher prise ? Je pense qu’on peut aller seul vers cet état avec l’appui ou non de cette philosophie, d’où l’enseignement de l’autonomie en quelque sorte.
Je remercie vivement cette personne car, d’une part, répondre m’a demandé de trouver les mots qui traduisent le plus fidèlement ce que je ressens au plus profond de moi, de mes cellules et d’autre part, ces questions ont permis un riche échange au cours d’une rencontre de groupe par rapport à la première partie du questionnement.
Le sens de la pratique
Ce qui nous intéresse dans cette approche est la métamorphose, la transformation.
Rappelons-nous : la métamorphose est un mouvement de vie à l’intérieur d’un dynamisme précis. Ce mouvement est ordonné, naturel, inconscient, il ne demande aucun effort.
Immédiatement, nous sommes confrontés à la notion d’environnement. Si nous avons en tête l’image de la chenille, l’environnement nécessaire à sa métamorphose sera la chrysalide, pour le gland, ce sera la terre, pour nous, la métamorphose, concernant notre conscience, l’environnement nécessaire sera l’espace sans direction donnée. Une séance est donc un moment privilégié où un environnement adéquat est à disposition.
Quand je demande une séance, j’éprouve la nécessité d’être plongée dans cette qualité d’environnement ; quand je donne une séance, le détachement (noter les faits, les reconnaître, les laisser être) m’y fait plonger aussi.
Une séance est un moment privilégié où l’on s’offre l’opportunité de s’ouvrir à l’inconnu, au mystère. Donner une séance, c’est accomplir un rituel. Un rituel, tout comme un symbole, est un lien, un pont entre deux dimensions. Un rituel est un processus qui englobe des gestes et une focalisation du mental. Aussi, lorsque je donne une séance, je n’ai pas l’impression de devoir « faire quelque chose avec quelqu’un », c’est plutôt, une communion avec la Vie. Cette sensation s’accentue au fur et à mesure que ma compréhension du Principe de la Correspondance s’affine.
Bien sûr, cette opportunité, je me la donne chaque fois que je reste avec mes propres faits dans la vie quotidienne, mais j’éprouve le besoin, régulièrement, de recevoir des séances (je rappelle qu’on peut s’en donner soi-même) car plus j’avance dans le temps, plus je sens à quel point le corps est important. Comme si cette concentration de matière qu’il semble être, permettait de plonger au plus profond du mystère. Le toucher apporte une dimension, à mes yeux, essentielle : il nous connecte au ressenti, au cerveau droit, au féminin, au global ; sans le toucher, l’abstrait, la recherche mentale prendrait rapidement le dessus. Laisser son pied à quelqu’un ou recevoir le pied de quelqu’un, dans ce contexte, il y a une sensation particulière, comme si, dans cet espace sans direction imposée, la non-séparation devenait proche d’être perçue.
Effleurer dans le détachement (j’insiste toujours : selon la définition de Gaston Saint-Pierre), permet, à mon sens, d’être conscient de la spiritualisation de la matière et de la matérialisation de l’esprit, ce grand jeu entre manifesté et non-manifesté.
Le lâcher prise
A travers cette approche, nous contactons en effet ce qu’on appelle le « lâcher prise » mais ce n’est qu’une petite partie du phénomène, la partie qui concerne le mental, c’est le « laisser » de la définition du détachement. Au-delà il y a « être » qui permet au potentiel de se manifester. Nous sommes dans le non-agir qui n’est pas ne rien faire.
Aller seul vers cet état
Peut-on parler ici d’un état ? Le mot « état » implique quelque chose de statique. Or, dans cette notion de métamorphose, il y a le Souffle de la vie qui nous pousse vers la découverte de notre essence. Inviter le mental à rester à sa place est une façon d’être. La pratique du détachement : noter un fait, le reconnaître, le laisser être, devient un art de vivre. Il y a cet incroyable dynamisme au coeur des deux verbes laisser et être. Être qui nous relie dans la verticalité au monde des potentiels, de l’unité. Et c’est cette reliance qui s’installe très fortement au cours des années. Plus cette reliance est perçue, moins le mental est inquiet, plus il devient curieux.
Quelle est la place de l’autonomie dans cette approche ?
D’abord, c’est la seule autorité reconnue, l’autonomie de la personne. Aller, fluer avec ce mouvement qui nous pousse, à travers les métamorphoses successives, vers l’être complètement réalisé que nous sommes déjà en potentiel, est de notre seule responsabilité. Lorsque je demande une séance, est-ce que j’abandonne mon autonomie ? Non, mais quelque chose en moi cherche une qualité d’environnement où justement, cette autonomie, cette autorité intérieure pourra se déployer en toute liberté. Et « JE » peux me donner une séance ! Et n’oublions pas, lorsque je donne une séance, étant dans le détachement, je profite aussi de cet espace si spécial.
Ce « bain d’espace » peut peut-être se vivre dans d’autres circonstances : la marche, la méditation, la musique, la danse Tandava enseignée par Daniel Odier par exemple … Pourtant, il me semble que la dimension « toucher » a une valeur particulière. Dans ce contexte si spécifique où la personne qui donne la séance sait qu’elle est la terre, donc en dehors du chemin, peut s’installer une forme d’abandon. S’abandonner au mouvement de la vie. Le praticien s’abandonne au mouvement de la vie et par résonance, la personne qui reçoit la séance commencera de s’abandonner à ce mouvement (s’abandonner dans le sens : se livrer en toute confiance).
Je suis toujours émue d’être témoin, dans chaque atelier, dans chaque rencontre, de comment l’énergie du groupe se modifie dès que la pratique commence. Ce bain d’espace qui devient un lac, une mer, un océan …
Pour terminer
Est-ce raisonnable de terminer par une question ? Ou est-ce ce merveilleux humour de la Vie ? Questionnons donc un mot : pratique.
Il me semble qu’il y a deux sortes de pratiques : la pratique pour obtenir quelque chose et la pratique qui permet la présence. La première est liée au désir du mental de réaliser un but précis, la seconde, qui permet de s’abandonner au mouvement de la vie, qui permet l’ouverture vers l’inconnu. Ayant cela en tête et/ou en coeur, la forme que va prendre la pratique va dépendre de la sensibilité de chacun, chacune.
Pour ma part, la forme proposée par Gaston Saint-Pierre me comble.
La partager m’enseigne.
« La pratique est le meilleur des enseignants » Gaston Saint-Pierre
« Ne croyez pas ce que je vous dis, expérimentez-le. » Gaston Saint-Pierre.
« Vous êtes ce que vous cherchez, alors, soyez. » Gaston Saint-Pierre
Janick Noverraz
24 mai 2022